lundi 21 mai 2012

GÉRER LE CHANGEMENT

Le gouvernement québécois ne gère pas la crise avec les étudiants, il gère des relations publiques, son image. La différence est grande et évidente. Cela explique pourquoi la situation s'envenime.

Les gouvernements tendent de plus en plus vers ce mode de gestion qui s'appuie sur une opinion publique satisfaite, du moins largement satisfaite et qu'il s'emploie à manipuler à l'aide des médias qui n'ont plus guère de sens critique.

Le gouvernement du Québec a annoncé dans un budget précédent son intention d'augmenter les droits de scolarité. A-t-il entrepris de gérer ce changement? La réponse est non, s'il l'avait fait, il n'y aurait pas eu de crise. Soit il aurait amené les jeunes à adhérer à sa politique, soit il y aurait eu un compromis voire le maintien du statu quo.

Quel est le rôle d'un ministre voire d'un premier ministre? C'est un rôle de gestion, mais une gestion stratégique, une gestion qui regarde en avant, qui prévoit, qui organise. Est-ce que nos élus jouent ce rôle? La réponse est évidente. Un tel gâchis mériterait à un étudiant un échec. Mais eux vont se mériter un gros salaire, une belle pension et un poste pépère de prête-nom afin de cacher leur incompétence.

Le plus surprenant dans tout cela c'est qu'on ne pose pas la question. Pourquoi en sommes-nous arrivés là? Ce n'est pas la faute des étudiants qui n'ont aucun pouvoir. Nos dirigeants ne font pas leur travail. Ils délèguent le problème à des fonctionnaires ou des responsables scolaires qui n'ont pas le pouvoir ou la légitimité requise pour régler la situation. Une injonction est émise. au directeur général d'agir. Que peut-il faire? Ses gestes vont envenimer la crise, il le sait. Mais, il n'a pas le choix, car la loi ne se permet pas ce genre de réflexion.

D'une manière assez surprenante, nous en sommes rendus à nous faire dire qu'il ne faut pas manifester, mais bien attendre et mettre le gouvernement dehors lors des élections. Un tel discours est ridicule. Cela revient à dire que le peuple n'a plus à s'exprimer entre les élections. Un gouvernement élu "démocratiquement" peut faire ce qu'il veut! Ailleurs sur la planète on parle de dictature pour de telles situations. Nous sommes manipulés, en sommes-nous conscients?

UNE MUTATION CULTURELLE

La crise sociale se poursuit et personne ne peut en prédire l'issue. Une loi a été votée afin de tenter de mater la grogne étudiante. L'effet obtenu est évidemment le contraire de celui attendu. La population ne prend pas parti, elle en a juste ras le bol des manifestations incessantes. À travers tout cela, les médias jouent leur rôle de "haut-parleur". Ils amplifient le discours du gouvernement qui ne parle pas du fond de la question, mais de la forme. Ils contribuent au détournement de sens.

Le problème de l'accessibilité est fondamental et culturel. On tend à l'oublier. La société québécoise est fondamentalement égalitaire. Peuple de paysans, d'artisans et d'ouvriers, ce n'est qu'au milieu du XXe siècle que notre société s'est ouverte sur le monde en se donnant des institutions dont le rôle était justement celui de la construction d'une société égalitaire. Les grandes réformes sociales reposent sur cela. Si tous étaient égaux auparavant, tous devaient le demeurer dans l'effort de modernisation de notre société.

L'ouverture sur le monde a permis à une génération de québécois de confronter leurs valeurs à celles des autres. Vers la fin du siècle dernier, la tendance a vouloir remettre en cause le modèle égalitaire a commencé à émerger. Il est aujourd'hui très fort et porté par une élite qui tient à avoir certains privilèges qu'elle a pu observer ailleurs.

D'une société de l'interpersonnel et de l'intrapersonnel, nous mutons vers un modèle logico-mathématique et visuospatial. Le pouvoir de l'argent et les apparences prennent la place. La crise actuelle est en fait un élément dans cette tendance, un choc entre deux visions du monde. D'un coté les "élites" qui prônent la "méritocratie" et de l'autre les jeunes qui valorisent "l'égalité". Choc des générations, fracture sociale, crise des valeurs, les mots pour désigner la chose ne manquent pas. Tant que nous ne prendrons pas conscience de cela, il est probable que la chose ne se règlera pas. Il y aura peut-être une accalmie, mais la crise reprendra.

Ici ce sont nos étudiants, ailleurs ce sont des jeunes "indignés". Le problème est le même, ce qui a déclenché la crise est différent, là-bas le chômage ici une remise en question d'un acquis. La solution ne sera pas simple à trouver et ce n'est pas une loi, dans des discours portant sur la démocratie, la justice et le droit qu'on trouvera la réponse. Le mal est profond, très profond et les excès des uns créent un profond malaise.

mardi 15 mai 2012

INTELLECT versus ÉMOTION

J'ai mis bien des jours à décider de me lancer. J'hésitais sans trop savoir pourquoi. Un jour j'y croyais, le lendemain non. J'étais confiant, puis les craintes revenaient. Quoi qu'il en soit, au dernier moment, j'ai posé le geste et j'ai expédié le message soumettant ma candidature. Deux jours plus tard, je recevais un appel me convoquant en entrevue. J'avoue que j'aurais été déçu qu'on ne me convoque pas. Comme je devais passer un test et que j'avais omis de demander de quoi il s'agissait, j'ai imaginé que ce serait un test de français et j'ai donc potassé ma grammaire une bonne partie de mon dimanche. Ces exercices m'ont évité de penser à l'entrevue.


Lundi matin, je découvre que le test est en en fait un texte d'opinion. Rien de bien difficile. Une heure plus tard, je termine un texte qui me satisfait. Je passe la journée à mes occupations habituelles. Mon rendez-vous étant tard, je profite du début de soirée afin de préparer mon entrevue. Je prends appui sur un canevas classique afin de prévoir les questions et m'y préparer. Il y a du retard et j'entre en entrevue vingt minutes après l'heure prévue. 


Le Comité comprend cinq personnes, trois me connaissent depuis longtemps et deux autres vont me découvrir. La forme d'entrevue me déjoue. C'est un dialogue avec une seule personne. Une autre intervient à l'occasion afin de me demander des précisions. Comme cette personne me connaît bien, j'interprète ses interventions comme une invitation à en dire plus. Cela me déstabilise, mes réponses sont-elles incomplètes?


Je commence à perdre pied. Les réponses que je donne à certaines questions sont, à mon avis, ridicules et témoignent d'une bonne méconnaissance du rôle et des responsabilités, alors que c'est tout le contraire dans les faits. Je constate que, globalement, mes réponses tendent à tourner autour d'une seule réalité, un peu comme si je ne voyais qu'un arbre alors qu'il y a une forêt. Plus l'entrevue avance, plus j'ai l'impression d'être ridicule. On me tend des perches et au lieu de les prendre et de m'en servir à mon profit, je passe à côté. Je rate des occasions de me rattraper.


L'entrevue dure un peu moins d'une heure alors qu'on m'avait annoncé trente minutes de plus. Nouvelle source de déstabilisation! On me demande si je souhaite ajouter quelque chose, j'ai juste hâte de partir. Ce que je fais. Sur la route du retour, je repasse l'entrevue dans ma tête et je n'y vois rien de très brillant. J'ai passé plusieurs entrevues et je suis bon juge de mes performances et celle-là était lamentable.


J'ai mal dormi. À mon réveil, je suis fatigué. Je vois sur mon bureau la feuille de calcul présentant des scénarios de retraite et l'idée de retirer ma candidature fait son chemin. En arrivant au bureau, je prends quelques minutes pour faire différentes choses puis j'écris aux membres du comité afin de les informer de ma décision de retirer ma candidature.

Voilà l'histoire, que s'est-il passé? En fait je crois que je me suis retrouvé au centre d'un conflit intérieur non résolu. Ce conflit oppose mon intellect et mes émotions. Mon intellect souhaite se mesurer aux défis du poste et croit avoir les outils qu'il faut pour réussir. Mes émotions me disent que je vais devoir faire des sacrifices, que je vais sans doute souffrir. Suis-je prêt à cela? Au moment d'écrire ces lignes, je doute encore. Je suis à la fois déçu et satisfait de ma décision. Cela va sans doute durer quelques jours, puis je passerai à autre chose. D'autres projets vont naître et me mobiliser. Je me rends compte que ce qui me dérange le plus c'est moins ma décision que l'interprétation qui en sera faite. À cela je ne peux rien faire. J'aurai l'occasion de m'expliquer un jour, mais pas maintenant.

Au plan de l'intelligence, on dira que mes deux hémisphères se sont affrontés, l'espace rationnel versus l'espace émotionnel, la logique contre l'intuition, etc. Cela illustre bien les dimensions de l'intelligence intrapersonnelle. À la fois les buts, les rêves, mais aussi les émotions s'expriment à travers cette intelligence qui joue un rôle majeur dans notre action par les motivations qu'elles génèrent.