samedi 27 septembre 2014

PARTAGER SA PENSÉE OU DIRE QUOI PENSER?

Je n'écoute que très peu les médias offrant des lignes ouvertes ou proposant des commentaires d'actualités. C'est d'abord une question d'intérêt, le ton est souvent agressif, le manque de profondeur de la réflexion m'afflige ou la mise en scène (par exemple l'obligation du conflit d'opinion) me porte à croire que nous sommes plus dans le spectacle que dans l'information. Alors, j'évite. Pourtant, je suis régulièrement en contact avec ce type d'émission qu'on m'impose que ce soit dans une salle d'attente, dans une file d'attente, dans le bus ou ailleurs. Je suis frappé par le dénigrement de l'opinion des autres, du manque de respect, des étiquettes abusives, des généralisations qui sont faites.

J'en suis venue à me demander si cette mise en scène n'avait pour conséquence d'imposer une pensée plutôt que d'amener les auditeurs à réfléchir et à se faire une opinion. Cette forme de manipulation est insidieuse, elle repose sur le besoin de chaque personne de se trouver dans une position confortable dans la société afin d'éviter la marginalisation ou l'exclusion. Une idée martelée tous les jours durant plusieurs heures finit par susciter l'adhésion de la personne qui écoute surtout si d'autres membres de la communauté appuient ou confirment l'opinion émise. Dans ce cadre, on invente des leaders d'opinion à qui les médias autorisent bien des écarts quitte à les laisser tomber le cas échéant. Cela induit une pression sociale autant sur l'animateur que sur l'auditeur.

L'humain est un être fondamentalement social. Cela implique qu'il soit en équilibre avec son milieu, qu'il ajuste ses comportements et sa pensée avec celle des personnes qu'il côtoie. Cela explique les mobilisations, les solidarités. Nous sommes dans l'univers de l'intelligence interpersonnelle.

La nécessité économique de rentabilité dans laquelle les médias baignent génère inévitablement des contraintes imposées (informellement, sans doute) par les commandites. Ces dernières sont sensibles à l'opinion publique et nous entrons dans une spirale qui finit par valoriser le spectacle au lieu de l'information. Les médias publics voient leurs ressources se réduire. Faut-il y voir une intention des gouvernements de limiter l'expression de la variété des opinions au profit d'une pensée imposée?

A terme, il y a de moins en moins de place pour les opinions qui ne correspondent pas à ce qui est valorisé. Le dénigrement marginalise ceux qui émettent ces opinions et il y danger d'exclusion sociale. Il n'y a plus de dialogue. La conséquence ou le danger, c'est l'abâtardissement, la paresse intellectuelle, l'incapacité de débattre au profit de la confrontation et du déni d'opinion.

L'espace pour des idées qui dérangent est de moins en moins important, surtout que nous sommes portés à défendre une cause qui nous fait perdre de vue l'ensemble de l'équilibre qui régit notre société. C'est un sujet sur lequel je reviendrai.

samedi 20 septembre 2014

CERVEAU DROIT ET CERVEAU GAUCHE

Je suis avec intérêt le débat autour du référendum sur l'indépendance de l'Écosse. Au-delà du résultat, il est assez fascinant de s'arrêter à un fait particulier qui témoigne bien du cerveau humain. 

Vous aurez noté, tout comme moi, que le camp du OUI parle de fierté, prône des valeurs d'équité, fait état de la différence de conception de la société voire de la manière dont les Anglais perçoivent les Écossais. Le camp du NON adopte un discours économique, propose de modifier les structures, de donner du pouvoir voire profère des menaces voilées sur la participation de l'Écosse à certaines institutions. J'ai évidemment fait un résumé de l'argumentaire, car mon objectif n'est pas de discuter des arguments des uns et des autres, mais bien de me servir de cet exemple afin d'illustrer une situation qui ne peut tendre vers une solution acceptable et la chose s'explique par le fonctionnement de notre cerveau.

Le camp du OUI s'adresse à l'hémisphère droit du cerveau, celui qui traite les émotions, qui regarde vers l'avenir, qui est intuitif, qui est somme toute social. Il est dans l'esprit des choses. Le camp du NON, quant à lui, s'adresse à l'hémisphère gauche du cerveau, celui de la logique, celui des conventions et des structures, celui de l'analyse. Il est dans le sens des choses, leur signification concrète dans le cadre d'un discours économique. On le voit bien, les approches sont différentes et ne peuvent donner lieu à un terrain d'entente, car les perspectives de travail sont fondamentalement différentes. On ne parle pas de la même chose, un peu comme si chacun parlait une langue différente.

Rappelons que le cerveau à un mode de fonctionnement spécifique. Bien que chaque hémisphère ait une fonction, ils collaborent et échangent de l'information afin de nous permettre de saisir les différentes dimensions d'une question ou d'une situation. Or, dans le débat politique, on néglige cette réalité en choisissant un discours qui ne touche qu'une partie du cerveau.

Fait intéressant, ce qui est perçu par le côté droit du corps est traité par l'hémisphère gauche et vice versa. Or, dans la logique politique, il y a une polarisation entre la gauche et la droite... Peut-on postuler que les perceptions des gens de gauche sont traités par d'abord par leur cerveau droit et que les perceptions de gens de droite sont analysées d'abord par leur cerveau gauche? Dans les faits, la recherche en neurosciences nous enseigne que le traitement des informations par notre cerveau est plus complexe que cela, mais l'image est intéressante et illustre fort bien la réalité de l'univers politique. Dans le débat écossais (comme ce fut le cas au Québec par exemple) les défenseurs de l'idée d'indépendance sont davantage associés à la gauche alors que les promoteurs du statu quo sont surtout associés à la droite. 


En matière de rapports humains, il est toujours intéressant de situer notre interlocuteur si on souhaite s'entendre. Quel que soit le résultat du référendum écossais, il est certain que le problème va perdurer, car les deux groupes ne regardent pas dans la même direction.

samedi 13 septembre 2014

L'OMBRE ET LA LUMIÈRE DES AUTRES

Carl Jung parle de l'ombre des personnes pour décrire leurs travers. Dans notre vie de tous les jours, il  arrive souvent que nous préférions voir les défauts des autres plutôt que leurs qualités. Est-ce pour nous rassurer? nous valoriser? Je crois que la réponse varie selon chacun. Ce qui me semble évident cependant, c'est que cette observation contribue au jugement que nous portons sur l'intelligence de la personne. En effet, le comportement d'un individu témoigne de son adaptation à une norme qu'elle soit formelle (une loi, un code d'éthique) ou informelle (des valeurs, des attentes). L'intelligence est une manifestation de l'adaptation à son milieu.

En gestion un dicton dit que l'on embauche sur les compétences et que l'on débauche (congédie) sur les comportements. Autrement dit, la lumière des personnes est à l'origine du choix, mais l'ombre déterminera la durée du lien d'emploi.  La difficulté réside dans ce que qui sera valorisé. Est-ce que l'on va faire en sorte d'exploiter et de maintenir la lumière de la personne ou bien va-t-on, peu à peu, voir celle-ci décliner et faire en sorte que l'ombre devienne évidente? L'autre réalité est la préoccupation d'évaluer les personnes afin de s'assurer qu'elles sont adaptées. Cela signifie que la moindre incartade est montée en épingle, que l'on néglige l'accompagnement que l'ombre est l'objet de l'observation et non la lumière. Enfin, je serais tenté de mettre en évidence ce que je nomme la "tentation de narcisse". Lors de sélection d'un employé, le gestionnaire peut, sans en être conscient, valoriser des traits de personnalité qui sont les siens et qu'il reconnaît chez l'autre. Dès lors, dans le suivi de l'embauche, il n'y a pas de difficultés. Le problème survient lors du changement de supérieur ou d'un changement de fonction.

La gestion des comportements au travail donne lieu a une abondante littérature. C'est aussi, pour bon nombre de gestionnaires, l'aspect le plus difficile de leurs responsabilités. Car, en insistant sur les problèmes, on entre dans la gestion du changement des comportements et des personnes. Les personnes concernées en sont affectées car on met en évidence leur inadaptation plutôt que leurs contributions.

La conséquence de cette perspective se reflète dans la culture de l'organisation. La défiance est institutionnalisée. Tout devient question de loyauté, l'opinion divergente est suspecte, la prise de parole contrôlée. Dans ce cadre, il est difficile d'obtenir une promotion pour les personnes qui ont du vécu au sein de l'organisation, qui y ont assumé des responsabilités ou qui se sont engagées dans des débats internes. L'ombre devient plus importante que la lumière, la menace à l'establishment organisationnel fait en sorte que la personne ne peut espérer autre chose que son poste. L'organisation se nourrit alors des ressources externes qui sont choisies à l'aune de la culture qui elle n'évolue plus.

J'ai, au fil de mes années de gestion, tenté de valoriser la lumière des personnes, de faire la promotion de leurs forces, de les valoriser afin de les motiver. Cette approche a trouvé des échos positifs auprès des personnes placées sous mon autorité. Je dois cependant avouer que cette approche était loin de faire l'unanimité parmi les autres gestionnaires. Je peux les comprendre car ils oeuvraient en conformité avec la culture, ce qui n'était pas mon cas. Cela ne signifie pas que tout allait bien pour moi. Certaines personnes éprouvent des difficultés profondes qui les rendent inaptes au travail. J'ai rencontré ces problèmes et, il m'a fallu me rendre à l'évidence que, dans ces cas précis, l'ombre des personnes était plus forte. Cependant, je demeure persuadé qu'il est préférable de valoriser la lumière des personnes et qu'ainsi, il est plus simple de les accompagner et de les amener à changer.

samedi 6 septembre 2014

LA RETRAITE C'EST SE CHOISIR

Voilà déjà plusieurs mois (pour ne pas dire plus) que je n'ai pas mis à jour mon blogue. Des excuses, j'en ai mais ce sont aussi des prétextes. J'ai mis d'autres travaux en priorité. Aujourd'hui, j'ai quitté mon emploi. On me dit retraité parce que je suis pensionné. Mais qu'est-ce que la retraite?

La retraite c'est d'abord un choix de vie, se choisir. Après plus de dix années dans des fonctions de gestion, je n'avais plus de plaisir à accomplir mes tâches. Ma motivation baissait. Comme j'ai besoin de créer et que la chose devenait de plus en plus complexe dans mon contexte professionnel, j'ai fait le choix de partir. La décision a été mûrie. Je dispose d'une sécurité financière qui assure l'essentiel de mes besoins. J'ai donc le privilège de pouvoir choisir.

Déjà trois fois que je reviens avec le verbe "choisir". Travailler dans une organisation c'est vivre et contribuer à la réalisation des choix que d'autres ont faits. On peut contribuer à la définition des orientations, mais elles ne sont pas nôtres tout comme les moyens. C'est un peu se renier car notre comportement s'ajuste à notre milieu qui a des attentes. Ainsi, moi qui suis plutôt à dominante "interpersonnelle",  je me suis ajusté dans le cadre de mon travail ou j'animais des équipes, j'étais un communicateur et un formateur, je valorisais la coopération... autant de manifestations de "l'interpersonnel". Cet ajustement je l'acceptais, mais il induisait un effort important qui à la longue grugeais mon énergie. Cet ajustement a été l'occasion d'apprentissage et aujourd'hui, l'alliance de mes deux intelligences font de moi un bon formateur car je suis à même de préparer un cours et de d'en assurer la prestation. En reprenant ma liberté professionnelle, car ma retraite c'est d'abord cela, j'ai voulu privilégier le plaisir de faire plutôt que l'obligation de faire. En me donnant la possibilité de choisir, j'ai opté pour une vie moins contraignante, d'avoir accès à moins de ressources pécuniaires, mais de vivre en accord avec mes besoins dont celui d'être heureux.

J'ai le privilège de quitter mon emploi avec un revenu assuré. Aujourd'hui cette question fait débat au Québec et ailleurs sur la planète. En France, un élément est pris en compte dans la réflexion, la pénibilité de l'emploi. Occuper un même emploi pendant des décennies mine la personne. Elle a dû s'ajuster à de nombreux changements technologiques ou organisationnels. Ses conditions de travail se sont modifiées au fil des cycles économiques. Le corps est moins disponible, l'esprit vieillit, il est moins efficace mais plus sage. L'humain aspire à un certain apaisement. Le marché du travail n'est pas ajusté à cette réalité, ne la reconnaît pas. Il est question de repousser l'âge de la retraite. Lorsque je porte attention aux discours de ceux qui vont prendre les décisions sur cette question, il me paraît qu'ils sont soit déconnectés de leurs besoins, soit ils défendent des principes qui valorisent le profit ou soit ils ont des ressources qui les mettent à l'abri. Dans tout cela, on néglige la personne qui s'échine depuis plus de vingt ans sans espoir d'un changement qui respecte ses capacités et ses besoins.

J'aurais aimé poursuivre mes activités au service de mon employeur, dans d'autres fonctions, allégées et adaptées. Ce n'était pas possible. Cette situation est celle que connaissent bien des personnes qui font un choix de vie en optant pour la "retraite" qu'ils veulent active: bénévolat, artisanat, consultation, travail à temps partiel, etc... Le débat sur la retraite devrait aussi porter sur la dimension humaine du travail et non seulement sur l'aspect économique des régimes. La productivité serait sans doute accrue si on s'intéressait à l'adaptation du travail au travailleur au fil des âges de la vie.

Écrire, pour moi, c'est une occasion de réfléchir sur ce que je vis. Ce blogue est donc un outil d'élucidation de ma pensée (le lien entre l'intelligence interpersonnelle et l'intelligence linguistique). Au fil des prochaines parutions j'aborderai des thèmes comme la reconnaissance ou le paternalisme. Je vous proposerai quelques chroniques d'humeur sur des sujets comme la défectiologie ou le choix de n'observer que l'ombre des personnes. Je discuterai de certaines tendances de notre société qui consiste à faire des choix à partir d'un seul élément ou de la manipulation de l'opinion publique.

Je suis de retour. Vous trouverez au moins un nouveau texte par semaine... En passant, un blogue, c'est aussi une occasion de dialogue, par conséquent, il me fera plaisir de lire vos commentaires.