dimanche 22 avril 2012

Régir au lieu d'éduquer

Notre société a tendance à réglementer, légiférer, baliser et organiser notre vie. Le sens commun ne semble plus exister. On retrouve des avertissements ridicules sur une foule de produits de consommation juste pour éviter les poursuites judiciaires. Mais, pour moi, c'est un témoignage inspirant du niveau de bêtise qui marque notre société. Comment croire qu'il y a quelqu'un d'assez inepte pour ne pas comprendre qu'un café qui vient d'être servi, sera chaud! Et, surtout, comment croire que quelqu'un qui va pourrait poursuivre pour une situation comme celle-là, va prendre le temps de lire l'avertissement!

L'explication de cela réside dans la déresponsabilisation. Si ce n'est pas interdit, c'est que la personne peut le faire. On informe, on sensibilise, on inspecte, on norme tout cela pour protéger la personne contre elle-même et les organisations contre les poursuites. Récemment j'échangeais avec un collègue qui me disait qu'il fallait introduire dans un règlement des précautions pour éviter des poursuites. À quand un texte dans un plan de cours qui informera un élève qu'en s'inscrivant à ce cours il est possible qu'il ait un échec.  La chose peut paraître farfelue, mais pas plus que l'avertissement que l'on retrouve sur le contenant à café.

Quand on cherche à faire des économies dans notre société, il faudrait cibler toute cette énergie gaspillée. Je ne veux pas dire qu'il ne faut pas régir, mais tout n'a pas à être régi. J'ai de plus en plus de difficulté avec l'incapacité que j'observe à agir d'une manière responsable et éthique. N'est-ce pas cela qui devrait être régi?

Le pire dans tout cela, c'est que la déresponsabilisation n'est pas qu'individuelle, elle est a grande échelle. J'en veux pour exemple l'attitude des grandes entreprises qui n'hésitent pas, au non du profit, à mettre en marché des produits dangereux (la cigarette par exemple) ou à exploiter des procédés, qui obligent la mise en place de tout un code de normes et de règlements ou qui ont des impacts collectifs. J'en veux pour preuve l'attitude sur les changements climatiques ou des comportements individuels aberrants. Comment concevoir que l'on puisse conduire une automobile à 110 kmh sur une autoroute tout en accomplissant une autre tâche (clavarder par exemple). "Je n'ai jamais eu d'accident et je fais ça tous les jours." En fait, il n'y a pas eu d'accident parce que les autres conducteurs ont tout fait pour l'éviter! Qui peut se targuer de connaître toutes les règles qui régissent notre vie collective? Personne! Cela signifie qu'au quotidien, sans le savoir, nous transgressons sans doute ces textes. Ces derniers sont-ils nécessaires? Ils le sont non pas pour prévenir, mais pour faire en sorte que la personne ne puisse exiger un dédommagement pour sa bêtise! Que de temps perdu.

En tant qu'éducateur, la question m'interpelle. À trop vouloir enseigner des "connaissances" n'est-on pas en train de négliger de former la personne à avoir des comportements appropriés? Ne serait-il pas préférable (et plus rentable) d'éduquer à la vie en société plutôt que de régir la vie en société? Être responsable, assumer les gestes qu'on pose, est-ce agir en adulte? Qui gagne à la déresponsabilisation?

Je n'ai pas la réponse, mais j'observe que notre société est une qui valorise la consommation. Tout se monnaye, tout se s'achète et se paie. Il a bien peu de choses qui n'aient pas une valeur économique. Le bien commun ne semble plus exister, l'espace individuel prend toute la place. Ce qui n'est à personne appartient forcément à quelqu'un!

La déresponsabilisation fait en sorte que nous attendons de la société qu'elle s'occupe de nous, de notre avenir, de notre quotidien, de notre santé, de nos enfants, etc. Cela signifie aussi que nous refusons aussi d'assumer le coût collectif que cela représente. C'est là un beau paradoxe.

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