dimanche 22 avril 2012

Une révolte adolescente

Bientôt 70 jours de grève étudiante! Les tensions montent, le bras de fer entre le gouvernement et les étudiants ne semble pas vouloir prendre fin tant les positions de l'un et de l'autre sont campées. D'un côté, le gouvernement qui ne veut pas discuter du fond et qui cherche à amener le débat sur d'autres dimensions en discréditant les étudiants et de l'autre, les étudiants qui ont des positions qui font en sorte qu'ils sont dos au mur sans possibilité de repli. À cette étape-ci, céder ce serait perdre la face. Les étudiants n'ont quasiment plus rien à perdre et le gouvernement, qui cherche un enjeu électoral, non plus.

Bien des personnes se sont prononcées sur la situation. Je souhaiterais contribuer à la réflexion. Je crois qu'il faut assimiler les revendications étudiantes à une révolte. Une révolte propre à cet âge de la vie. Le débat sur les droits de scolarité est le déclencheur, mais ce n'est pas la vraie question. Selon moi, la question est celle de l'avenir auquel les jeunes seront confrontés. En mettant au coeur du débat la hausse des droits de scolarité, les étudiants expriment d'abord une inquiétude face à leur avenir économique. Ne perdons pas de vue qu'en sus, ils auront à travailler plus longtemps avant de profiter de la retraite, qu'ils devront payer plus de cotisations sociales et que leur niveau de vie sera sans doute inférieur à celui de leurs parents. Si j'étais à leur place, je crois bien que je serais dans la rue.

Je ne parle pas de valeurs de partage, mais de faits. On aurait beau vouloir "mutualiser" les effets de ces situations économiques probables, cela ne changerait rien. Les caisses de retraite sont déficitaires, le nombre de travailleurs disponibles est moins important et l'écart entre les riches et les pauvres se creusent en même temps que l'on voit le déplacement des pôles économiques vers l'Asie. Les jeunes qui sont dans la rue ne pourront connaître la vie de leurs parents et ces derniers sont coupables d'une forme de déni ou d'aveuglement.

Le gouvernement gère très mal cette crise. Au lieu de tenter de comprendre le problème et de lire entre les lignes, ils posent, lui-même des gestes adolescents. Les éducateurs vous diront qu'un adolescent (car c'est de cela qu'il s'agit, même si la majorité des grévistes ont 18 ans ou plus, ils sont au plan du développement de leur cerveau des adolescents) a beaucoup de difficultés à exprimer sa pensée et ses émotions. Il faut interpréter... "T'sé veut dire!"

Tant que le gouvernement va jouer à l'adolescent, il n'y aura pas de solution. Le gouvernement espère diviser le mouvement étudiant, il y arrivera peut-être. Il mise sur l'essoufflement, car les conséquences individuelles vont bientôt se manifester (prolongation des sessions, emplois d'été, etc.), c'est une chose possible. Il souhaite (sans l'avouer) une radicalisation du conflit, cela est en cours. Il veut prouver à sa clientèle électorale qu'il peut prendre et assumer des décisions difficiles. En fait, les étudiants sont victimes d'un jeu politique. Le gouvernement se sert d'eux, qui ne lui sont pas favorables de toute manière, pour regagner la confiance qu'il avait perdue auprès d'une partie de l'électorat.

Le temps joue contre l'un et l'autre et c'est le gouvernement qui a le plus à perdre. Lorsque les employeurs touristiques vont se rendre compte qu'ils ne pourront compter sur les étudiants au moment prévu, lorsque certaines personnes (dans les hôpitaux par exemple) ne pourront prendre leurs vacances ou que le niveau de services va baisser faute de main d'oeuvre, lorsque les parents devront soutenir financièrement leurs jeunes... c'est le gouvernement qui va être pointé du doigt.

Les jeunes jouent leur avenir à long terme, le gouvernement a un agenda à court terme. Tout le problème est là.

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