samedi 13 septembre 2014

L'OMBRE ET LA LUMIÈRE DES AUTRES

Carl Jung parle de l'ombre des personnes pour décrire leurs travers. Dans notre vie de tous les jours, il  arrive souvent que nous préférions voir les défauts des autres plutôt que leurs qualités. Est-ce pour nous rassurer? nous valoriser? Je crois que la réponse varie selon chacun. Ce qui me semble évident cependant, c'est que cette observation contribue au jugement que nous portons sur l'intelligence de la personne. En effet, le comportement d'un individu témoigne de son adaptation à une norme qu'elle soit formelle (une loi, un code d'éthique) ou informelle (des valeurs, des attentes). L'intelligence est une manifestation de l'adaptation à son milieu.

En gestion un dicton dit que l'on embauche sur les compétences et que l'on débauche (congédie) sur les comportements. Autrement dit, la lumière des personnes est à l'origine du choix, mais l'ombre déterminera la durée du lien d'emploi.  La difficulté réside dans ce que qui sera valorisé. Est-ce que l'on va faire en sorte d'exploiter et de maintenir la lumière de la personne ou bien va-t-on, peu à peu, voir celle-ci décliner et faire en sorte que l'ombre devienne évidente? L'autre réalité est la préoccupation d'évaluer les personnes afin de s'assurer qu'elles sont adaptées. Cela signifie que la moindre incartade est montée en épingle, que l'on néglige l'accompagnement que l'ombre est l'objet de l'observation et non la lumière. Enfin, je serais tenté de mettre en évidence ce que je nomme la "tentation de narcisse". Lors de sélection d'un employé, le gestionnaire peut, sans en être conscient, valoriser des traits de personnalité qui sont les siens et qu'il reconnaît chez l'autre. Dès lors, dans le suivi de l'embauche, il n'y a pas de difficultés. Le problème survient lors du changement de supérieur ou d'un changement de fonction.

La gestion des comportements au travail donne lieu a une abondante littérature. C'est aussi, pour bon nombre de gestionnaires, l'aspect le plus difficile de leurs responsabilités. Car, en insistant sur les problèmes, on entre dans la gestion du changement des comportements et des personnes. Les personnes concernées en sont affectées car on met en évidence leur inadaptation plutôt que leurs contributions.

La conséquence de cette perspective se reflète dans la culture de l'organisation. La défiance est institutionnalisée. Tout devient question de loyauté, l'opinion divergente est suspecte, la prise de parole contrôlée. Dans ce cadre, il est difficile d'obtenir une promotion pour les personnes qui ont du vécu au sein de l'organisation, qui y ont assumé des responsabilités ou qui se sont engagées dans des débats internes. L'ombre devient plus importante que la lumière, la menace à l'establishment organisationnel fait en sorte que la personne ne peut espérer autre chose que son poste. L'organisation se nourrit alors des ressources externes qui sont choisies à l'aune de la culture qui elle n'évolue plus.

J'ai, au fil de mes années de gestion, tenté de valoriser la lumière des personnes, de faire la promotion de leurs forces, de les valoriser afin de les motiver. Cette approche a trouvé des échos positifs auprès des personnes placées sous mon autorité. Je dois cependant avouer que cette approche était loin de faire l'unanimité parmi les autres gestionnaires. Je peux les comprendre car ils oeuvraient en conformité avec la culture, ce qui n'était pas mon cas. Cela ne signifie pas que tout allait bien pour moi. Certaines personnes éprouvent des difficultés profondes qui les rendent inaptes au travail. J'ai rencontré ces problèmes et, il m'a fallu me rendre à l'évidence que, dans ces cas précis, l'ombre des personnes était plus forte. Cependant, je demeure persuadé qu'il est préférable de valoriser la lumière des personnes et qu'ainsi, il est plus simple de les accompagner et de les amener à changer.

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