samedi 25 octobre 2014

DÉSENSIBILISATION

Je m'étonne souvent de constater que nous sommes spectateurs du malheur des autres et que la chose nous laisse indifférents. Dans les bulletins d'information télévisée ou sur le web, on nous propose des images d'agressions ou d'accidents enregistrées à l'aide de téléphones numériques. Les personnes captent les images, elles sont spectatrices, elles n'interviennent pas. Peut-on expliquer cela?

Ma première réaction est la colère, pourquoi photographier ou filmer au lieu d'intervenir? Est-ce une réaction associée à la possibilité de vendre les images? Il faut se rendre à l'évidence, intervenir demande du courage et ce n'est pas donné à tout le monde d'accepter de s'engager dans l'action. En filmant, la personne prend un risque, celui du témoin et j'y vois alors un aspect positif. Si le seul appât du gain est le déterminant du geste, là ma colère est se justifie.

Ma colère apaisée, je m'interroge ensuite sur mon absence de réaction. Suis-je blasé? Pourquoi est-ce ces images ne suscitent en moi qu'une émotion passagère de tristesse ou de compassion? Les neurosciences nous apportent la réponse... ma réaction est normale et liée au fonctionnement de mon cerveau.

Notre cerveau dispose d'un réseau neuronal qui nous permet de décoder les autres. C'est ainsi que nous nous ajustons à notre environnement. Si l'autre personne manifeste dans son expression faciale une émotion, par exemple de la peur, notre cerveau l'enregistrera et nous incitera à la prudence. Cette fonction du cerveau est inconsciente et nous aide à nous évaluer et à réagir à notre environnement. Évidemment, lorsqu'il s'agit d'images notre cerveau décode la chose autrement. Si nous étions en présence de l'action, notre cerveau orienterait notre réaction: fuite, implication directe, implication indirecte, etc.

Le réseau des neurones miroirs explique aussi pourquoi nous ne réagissons pas aux situations qui nous sont présentées, pourquoi elles nous laissent indifférentes. En fait, à force de voir et de revoir des situations semblables, notre cerveau se désensibilise. Il agit ainsi parce que nous n'avons pas réagi à la situation conformément au patron proposé par le cerveau. Notre inaction ou notre indifférence reprogramme notre cerveau.

Cette stratégie cérébrale est aussi utilisée en apprentissage. En effet, la désensibilisation fait en sorte qu'au lieu de réagir à l'émotion que reflète la personne, nous passons en mode automatique. Cela signifie que dans le processus d'apprentissage, à force d'être confronté à une situation et à réagir différemment, notre cerveau est programmé d'une nouvelle manière. Lorsqu'un professeur fait faire des exercices à ses étudiants, il vise à automatiser la réaction. L'automatisation est une programmation du cerveau au regard d'une situation donnée. La réflexion est instantanée, inconsciente. Cette programmation est fort utile dans bien des occupations. Ainsi, dans les professions médicales, les automatismes sont nécessaires afin de poser les gestes requis dans les situations d'urgence.

La désensibilisation fait donc en sorte de modifier notre perception des choses ce qui affecte notre comportement.


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